« Laissez-vous réconcilier ! »
Si, nous tous, nous cherchons à ouvrir des chemins de confiance pour l’Europe, c’est que le siècle passé a connu trop de violences. Si notre communauté de Taizé anime avec des jeunes un « pèlerinage de confiance sur la terre », c’est que le nouveau siècle a besoin de femmes, d’hommes, et tout particulièrement de jeunes courageux qui expriment par toute leur existence cet appel de l’Évangile : « Laissez-vous réconcilier ! »
Les divisions et les oppositions ne sont pas une fatalité. L’histoire ne va pas toujours vers le pire. L’Évangile de la réconciliation peut être un ferment capable de mener à une solidarité qui dépasse les frontières. Grâce à la détermination de quelques-uns, déjà nous connaissons en Europe une période de paix sans précédent.
Beaucoup de jeunes sont conscients que l’Europe ne peut pas se construire en se repliant sur elle-même, ils souhaitent une Europe ouverte et généreuse, ils savent que l’Europe sera elle-même en vivant une solidarité avec les nations des autres continents. Ils demandent qu’à la mondialisation de l’économie soit associée une mondialisation de la solidarité. Ces jeunes sont prêts à s’engager pour relever les nouveaux défis: entre autres, l’accueil des jeunes des pays du Sud, la recherche d’une plus grande justice dans le commerce mondial, une gestion plus responsable des ressources naturelles.
Pour construire les sociétés humaines, les chrétiens peuvent apporter des contributions spécifiques. Je voudrais en citer trois :
En premier lieu, l’Evangile encourage la simplicité de vie. Il appelle le croyant à une maîtrise de ses propres désirs pour parvenir à se limiter, non par contrainte mais par choix. La simplicité librement choisie permet de résister à la course au superflu chez les plus favorisés. Et elle contribue à la lutte contre la pauvreté imposée aux plus déshérités.
Un autre apport des chrétiens est de soutenir des démarches de pardon : refuser de transmettre à la prochaine génération les rancœurs liées aux blessures encore vives, non pas oublier un passé douloureux, mais guérir la mémoire par le pardon, interrompre la chaîne qui fait perdurer les ressentiments de génération en génération. Sans pardon il n’y a pas d’avenir pour les sociétés. L’élan formidable qui est à l’origine de la construction européenne est né en bonne partie de cette conviction.
En troisième lieu, ce qui manque aujourd’hui, ce ne sont pas tellement les analyses. Elles sont nombreuses. Mais il ne suffit pas de savoir ce qu’il faudrait faire, ce qui importe c’est de susciter la motivation pour le faire. Et là les chrétiens ont un rôle à jouer. Par l’Evangile ils savent la valeur de chaque engagement personnel. Chacun peut se dire : ma vie compte pour l’Europe, ma vie compte pour la construction des sociétés humaines.
Oui, tous peuvent participer à une civilisation marquée non par la méfiance mais par la confiance. Dans l’histoire il a parfois suffi de peu de personnes pour faire pencher la balance vers la paix.
frère Aloïs, prieur de Taizé