Européens et fiers de l’être – Tribune aux candidats à la présidentielle
Dans quelques semaines, les Françaises et les Français éliront leur président de la République. La constitution de la 5e République (et le système électoral en vigueur) fait de ce choix l’un des moments les plus solennels et chargés de sens politique de notre pays: cet homme ou cette femme aura entre ses mains le destin de la nation. Mais pas uniquement.
Car, nous rendons-nous compte qu’il ou elle aura aussi une responsabilité majeure dans la prise de décisions concernant l’Union européenne? Savons-nous que le chef d’Etat français siège directement au Conseil européen et qu’en élisant notre président nous élisons aussi un des gouvernants de l’UE, dont la voix et les choix politiques porteront au-delà de nos frontières ?
Au cours des derniers mois et semaines, notamment depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, nous avons vu combien cette responsabilité européenne, double dans le cas de la France qui exerce en ce moment la présidence du Conseil de l’Union, est prenante et décisive.
Mais qu’en savons-nous, citoyens français et européens, exactement ? De quels moyens disposons-nous pour orienter les choix « européens » du président, ou pour demander qu’il nous en rende compte ?
Alors que nous nous apprêtons à élire notre président ou présidente, nous chrétiens d’Europe, responsables de mouvements ou d’associations, représentants d’églises ou simples citoyens, nous demandons à tous les candidats qu’ils fassent connaître, en plus de leurs engagements pour la France, aussi leur « agenda » pour l’Europe.
Car c’est au niveau de l’Europe que se prennent et se prendront de plus en plus les décisions qui façonneront notre avenir. Ces choix majeurs sont au nombre de trois.
Premièrement, la recherche par tous les moyens de la paix sur le continent européen et au-delà. L’Europe « puissance » ne doit jamais oublier qu’elle est née en 1950 et s’est développée jusqu’à nos jours pour assurer la paix en rendant matériellement impossible la guerre entre nos pays. Cet objectif est atteint. Mais en dehors de ses frontières, dans le cœur du continent et sur les rives de la Méditerranée, la guerre vient d’éclater ou se poursuit insidieusement.
Que l’Europe n’oublie pas ses racines, et se donne courageusement les moyens d’une politique active de la paix, par la médiation, la réconciliation, le rétablissement de la justice et de la vérité et l’éducation à la paix et à la fraternité !
Deuxièmement, le projet d’une Europe non pas « forteresse » mais « fraternité ». L’Europe d’aujourd’hui est infiniment plus prospère et pacifique que celle de nos parents, et à ce titre aussi elle demeure l’idéal de millions d’hommes et de femmes qui fuient la guerre, la misère, les changements climatiques. Ils rejoignent nos pays et notre continent de façon tumultueuse et désordonnée certes, sous les contraintes savamment attisées par les uns et les autres, moins par choix que par nécessité peut-être, mais mus par un désir de paix et de relèvement de leurs conditions de vie qui trouve chez nous sa réalisation.
Que l’Europe élabore sans plus tarder une vraie politique d’accueil juste et équitable des personnes qui, par-delà les demandeurs d’asile et les réfugiés, souhaitent ou sont forcés de frapper à nos portes. Qu’elles trouvent ici un accueil digne et respectueux de leur personne, de leur culture, de leur identité. L’Europe peut leur offrir une place, des opportunités de formation et de travail, des chances de vie et de bonheur aujourd’hui comme elle le fit il y a soixante-dix ans pour les migrants à l’intérieur de ses frontières.
Troisièmement, la redécouverte des valeurs civilisationnelles et humanistes qui sont au fondement de la construction de l’Europe. Pour exister dans le combat de titans que se livrent les grands de ce monde (Etats-Unis, Chine, Russie, Inde…) l’Europe doit redécouvrir la raison d’être de son projet d’unité « sans cesse plus étroite » entre les peuples qui la composent. Ce n’est pas en réhabilitant des personnages condamnés par les tribunaux et par l’histoire, ni en diabolisant les pratiques d’autres concitoyens qu’on fera naître le sentiment d’appartenir à la même civilisation, à la même famille humaine. Les fantasmes relatifs à une Europe tournée vers un soi-disant âge d’or compromettront tôt ou tard notre avenir commun.
Dans la liberté et démocratiquement, que l’Europe devienne enfin cette « communauté de destin » que préconisaient ses fondateurs. Dans le moment historique que nous vivons, votre responsabilité n’en sera que plus grande. Nous vous demandons de faire de la recherche constante du « bien commun européen » votre boussole.
Nous vous le demandons en tant que chrétiens, français et européens, car vous avez fait de nous des citoyens de l’Europe. Cette citoyenneté c’est à nous de l’exercer, et c’est à vous, Monsieur le président, Madame la présidente de demain, par vos choix inspirés de demain, de nous en donner la fierté.
Au nom du réseau d’« Ensemble pour l’Europe* »:
- Gérard Testard, Fondateur et Président de Efesia – Ensemble avec Marie
- Alfonso Zardi, Délégué général de Pax Christi – France
- Cyrille Sollogoub, Président d’ACER MJO
- Georges El Hage, Président de Syndesmos
- Valérie Régnier, Présidente de la Communauté Sant’Egidio – France
- Isabelle de Moffarts et Fabio Bertagnin, Co-responsables de Focolari France
- Nadine Boddaert, pour l’Institution Thérésienne, France